24 Juin 1717 – 24 Juin 2017 : La Franc-maçonnerie a 300 ans !

24 Juin 1717 – 24 Juin 2017 : La Franc-maçonnerie a 300 ans !

L’histoire de la franc-maçonnerie est complexe mais on sait aujourd’hui que, dès la fin du 17° siècle, existaient en Ecosse des Loges dont les membres – comme les francs-maçons actuels - n’étaient pas maçons de métier.

Cette naissance dans les îles Britanniques, au moment des guerres civiles incite à ne pas négliger le rôle de la dynastie Stuart, chassée du pouvoir en 1688 : ses partisans en exil, les Jacobites[1], ont en effet joué un rôle déterminant dans la naissance de la franc-maçonnerie française.

Cependant, de nombreuses interrogations subsistent ; nous laisserons aux historiens le soin d’en débattre pour simplement évoquer ici le tricentenaire de la fondation de la Grande Loge de Londres, précurseur de l’organisation fonctionnelle que nous connaissons actuellement.

Tous conviennent qu’au Moyen-Âge, avec la construction des édifices religieux, sont nées les confréries rassemblant des tailleurs de pierre, des charpentiers et autres hommes de métiers. Appelés Francs-Maçons, libres dans leurs engagements, libres de circuler, exonérés des droits de passage ils se déplacent au gré des chantiers et se réunissent dans un baraquement souvent adossé à l’édifice en construction : la loge.

Les historiens ont montré, documents à l’appui, que la franc-maçonnerie telle que nous la pratiquons aujourd’hui ne provient pas, que ce soit par transformation progressive ou par transition, de la franc-maçonnerie des chantiers des cathédrales bien qu’elle lui ait emprunté des légendes, des symboles, des textes, des usages et certains outils.

Très schématiquement, la Franc-Maçonnerie « moderne », « ce lieu où l’Homme occidental peut apprendre la sagesse » (3) serait donc née, sous une forme annonçant celle d’aujourd’hui, le 24 juin 1717 par la réunion de quatre loges londoniennes à la taverne « L’oie et le gril » pour constituer à Londres, la première Grande Loge de l’histoire.

On ne possède aucun compte rendu de l’époque ; le seul récit dont nous disposons concernant ce 24 juin 1717 se résume à quelques lignes écrites par James Anderson dans la 2e édition de ses Constitutions, en 1738 soit 21 ans après les événements.

Anthony Sayer fut le premier Grand Maître élu par les 4 loges fondatrices :

  • « At the Goose and Gridiron » (À l’oie et le Gril), Brasserie à St. Paul's Church-Yard.
  • « At the Crown » (À la Couronne), Brasserie à Parker's Lane près de Drury Lane.
  • « At the Apple-Tree » (Au Pommier), Taverne sur Charles-street, Covent-Garden.
  • « At the Rummer and Grape » (À la Coupe et au Raisin), Taverne sur Channel-Row, Westminster.

Nous savons donc peu de choses de cette naissance, mais il est peu probable que les fondateurs, artisans, commerçants de condition modeste, petits bourgeois aient traité des questions philosophiques ou initiatiques au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Probablement étaient-ils essentiellement tournés vers la solidarité, le secours mutuel et occupés par la gestion de la « common box ».

Rapidement, cette Grande Loge de Londres s’ouvrit à la noblesse ainsi qu’aux hommes de sciences notamment par le biais de la Royal Society et de penseurs acquis aux idées nouvelles, au premier rang desquels Isaac Newton et son principal collaborateur, le Pasteur immigré Jean Théophile Désaguliers : « La maçonnerie spéculative a surgi à la fin du XVII° siècle dans le sillage de la révolution scientifique et de la « crise de la conscience européenne » (2)

Jean Théophile Désaguliers et Georges Payne, se succèderont à la tête de cette Grande Loge de Londres. Ils confieront à James Anderson, Pasteur d’origine écossaise, la charge de rédiger un texte donnant des règles de fonctionnement destinées à régir la franc-maçonnerie. Ces « Constitutions d’Anderson de 1723 » expliquent aux francs-maçons quelle était leur histoire, avec l’objectif évident de donner des lettres de noblesse à cette société naissante, en lui reconnaissant des origines immémoriales dignes du projet qu’elle voulait développer. Ainsi fut construite une légende débutant à Adam pour se terminer au 18 °siècle !

Plus sérieusement, dans une Angleterre meurtrie par les conflits religieux et les luttes politiques (particulièrement celles opposant les partisans des « Hanovre » et des « Stuart ») la franc-maçonnerie voulait créer un lieu de rencontres sereines et apaisées, d’individus de croyances et de convictions politiques différentes.

En un mot la Franc maçonnerie ambitionnait être « le centre de l’union » comme cela est clairement exposé en fin du 1 ° article des Constitutions rédigées par le Pasteur Anderson, texte qui doit évidemment être compris dans le contexte de l’époque :

« … quoique dans les temps anciens, les maçons fussent obligés, dans chaque pays d’être de la religion de ce pays ou nation, quelle qu’elle fût, aujourd’hui, il a été considéré plus commode de les astreindre seulement à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord, laissant à chacun ses propres opinions, c’est-à-dire d’être des hommes de bien et loyaux ou des hommes d’honneur et de probité quelques soient les dénominations ou croyances religieuses qui aident à les distinguer, par suite de quoi, la Maçonnerie devient le Centre de l’union et le moyen de nouer une amitié fidèle parmi des personnes qui auraient pu rester à une perpétuelle distance. » (1)

La Franc Maçonnerie traversera rapidement la Manche notamment avec les exilés jacobites le premier atelier français "Amitié et Fraternité" semble avoir été ouvert le 13 octobre 1721 à Dunkerque et l’existence de tenues maçonniques est attestée à Paris dès 1725. Se pratiquent « probablement les deux grades hérités de la maçonnerie opérative d’Écosse, apprenti-entré et compagnon de métier, auxquels viendra s’ajouter, dans les années 1730, un troisième grade dit de Maître » (4)

Elle s’imprégnera alors des influences philosophiques des Lumières auxquelles elle apportera une effective contribution.

« La maçonnerie spéculative va conquérir le monde au seuil du XVIII° siècle avec quelques notions simples : la tolérance, la fraternité, la raison. » (2)

Ce fut un temps d’intense effervescence maçonnique. Pour n’en prendre qu’un seul exemple citons la loge des « Neuf Sœurs » qui regroupait à Paris les plus beaux esprits du temps dont Franklin, D’Alembert, Chamfort, le Chevalier de St Georges, Greuze, Guillotin, Houdon, Lacepède, Lalande, Mirabeau, Montgolfier, Voltaire à la fin de sa vie et tant d’autres.

Les loges se multiplieront, toutes exclusivement masculines, et se créeront les premières Obédiences : Grand Orient de France et Grande Loge de France.

La première obédience mixte au monde, la Grande Loge symbolique écossaise LE DROIT HUMAIN verra le jour en 1893.

BIBLIOGRAPHIE

1.       Anderson J. : The constitutions of the free-masons. Containing the history, charges, regulations, etc. of the most Ancient and Right Worshipful FRATERNITY. For the use of the Lodges. London. In the year of masonry 5723. Anno Domini 1723.

2.       Dachez R. : La maçonnerie spéculative ; une évolution symbolique. 20 clés pour comprendre la franc-maçonnerie. Le monde des religions. Albin Michel 2013.

3.       Étienne B. : Une voie pour l’Occident- La Franc-maçonnerie à venir. Dervy Paris 2012

4.       Mollier P. : Curiosités maçonniques. Jean Cyrille Godefroy Éditeur 2014. 




[1] Les « Jacobites » sont les partisans de Jacques II Stuart et de son fils Jacques surnommé « le prétendant »