Laïcité, notre bien commun
La démocratie n’est autre chose que l’égalité des droits. Or, il n’y a pas d’égalité des droits si l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce » Jean Jaurès – Discours de Castres – 30 juillet 1904.
En un temps de renaissance des théocraties, alors que se multiplient les crispations identitaires, les appels au repli voire à la vengeance, la laïcité est plus que jamais un bien précieux, outil de lutte contre la haine et la violence. Cependant, la concernant, beaucoup d’analyses erronées sont colportées par incompréhension, ignorance voire intention fallacieuse. De fait, la laïcité ne fait l’objet d’aucune définition précise dans nos textes fondateurs, dont la loi de 1905 où d’ailleurs le mot même de laïcité ne figure pas.
La laïcité est une architecture, un cadre juridique ; elle ne saurait être analysée comme une tolérance, mais bien comme un droit reconnu. Précisons d’emblée que laïque ne veut en aucun cas signifier « sans religion ». Le penser serait un contresens. La laïcité n’est pas un parti pris anti religieux ; ce n’est pas la volonté de supprimer toute religion, mais bien de préserver l’espace public de l’emprise des religions.
Enfin, la laïcité est bien plus que la liberté de croyance, cette dernière n’excluant pas en soi la possibilité d’une religion d’État.
« La laïcité est une valeur essentielle, avec ce souci de la liberté de conscience et de l’égalité de tous les hommes, qu’ils soient croyants, athées ou agnostiques. L’idéal laïque n’est pas un idéal négatif de ressentiment contre la religion. C’est le plus grand contresens que l’on puisse faire sur la laïcité que d’y voir une sorte d’hostilité de principe à la religion. Mais c’est un idéal positif d’affirmation de la liberté de conscience, de l’égalité des croyants et des athées et de l’idée que la loi républicaine doit viser le bien commun et non pas l’intérêt particulier. » Henri Pena-Ruiz (6)
La France n’a pas vocation à trier ses enfants selon leurs croyances ou leurs non-croyances ; la laïcité est notre bien commun. C’est un idéal de vie. En garantissant le respect absolu de la liberté de conscience, elle rapproche les individus tout simplement dans leur humanité, au-delà de leurs convictions.
Sa défense étant l’affaire de tous, rappelons en quelques mots l’histoire d’une longue lutte…toujours d’actualité si l’on veut préserver pour nos enfants ce garant majeur de la liberté.
« L’ancien régime », particulièrement le Concordat de Bologne (1515) entre François 1er et le pape Léon X, avait institué une religion d’État, l’Église catholique jouissant de privilèges et assurant des missions aujourd’hui dites « de service public ».
C’est à la période révolutionnaire que fut instaurée la liberté des cultes, accordant les mêmes droits aux différentes religions et l’article 10 de Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) précise que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ». Dans un rapport sur l’instruction publique présenté en 1792 devant l’Assemblée nationale, Condorcet proposera de bannir de l’école toute doctrine politique, et toute autorité religieuse : « On ne doit admettre dans l’instruction publique l’enseignement d’aucune religion »… « Le système éducatif doit être séparé de toute influence religieuse ».
Un nouveau Concordat signé le 16 juillet 1801 par les représentants de Bonaparte, Premier Consul, et du Pape Pie VII mettra fin à la première séparation de l’Église et de l’État réalisée par les thermidoriens.
La loi Falloux du 15 mars 1850, d’inspiration très cléricale, accordant une large place à l’enseignement confessionnel, le « programme républicain de Belleville » (1869) porté par Léon Gambetta revendiquera la séparation de l’Eglise et de l’Etat, Victor Hugo proclamant « Je veux l’Église chez elle et l’État chez lui. »
Ainsi fut fait par la Commune : « La Commune de Paris, Considérant que le premier des principes de la République française est la liberté ; Considérant que la liberté de conscience est la première des libertés ; Considérant que le clergé a été le complice des crimes de la monarchie contre la liberté décrète :
Article 1 : L’Église est séparée de l’État.
Article 2 : Le budget des cultes est supprimé.
Article 3 : Les biens dits de mainmorte, appartenant aux congrégations religieuses, sont déclarés propriété nationale. »
On sait quel a été le sombre destin de la Commune de Paris comme celui de ce décret du 2 avril 1871. Il faudra donc attendre la loi du 9 décembre 1905 (voir annexe) pour officialiser cette séparation des Églises et de l’État :
« Article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte »
Les francs-maçons sont particulièrement attachés au principe de laïcité qui s’appuie sur des valeurs communes avec celles d’une altérité idéale : respect de l’autre, liberté absolue de conscience, tolérance réciproque, solidarité.
Le Droit Humain de France ne manque jamais de manifester son indéfectible attachement à ce principe inscrit dans l’article 3 de sa Constitution Internationale (2):
« Fidèles au principe de laïcité, respectueux de la liberté absolue de conscience de chacun, les membres de l’Ordre travaillent à concrétiser les principes de liberté, d’égalité et de fraternité et à réaliser pour tous les humains, le maximum de développement moral, intellectuel et spirituel, condition première du bonheur qu’il est possible à chaque individu d’atteindre dans une humanité fraternellement organisée »
Toutes les confessions et toutes les convictions sont donc admises dans notre Ordre qui se veut laïque et adogmatique. « La liberté que nous revendiquons est essentiellement la liberté absolue de conscience, qui autorise chaque être humain à penser ce qu’il veut, à pouvoir exprimer sa pensée, à la condition que celle-ci ne gêne, ni l’ordre public, ni le bien public. Il devrait être possible de pouvoir croire ou ne pas croire en un dieu, et d’assumer sans crainte, mais sans prosélytisme (le prosélytisme est un mélange de marketing et d’intolérance s’apparentant à une forme de terrorisme), sa croyance, son agnosticisme, son athéisme.» (7)
Nous travaillons à ce que le principe de laïcité soit pris pour ce qu’il est, rien de plus ni rien de moins. Bien plus qu’un code de vie en société, il est un authentique facteur de paix rendant possible l’égalité des chances, véritable ciment social et civique. Pour un franc-maçon du Droit humain, la laïcité n'est pas un instrument de combat, mais une valeur à préserver. Il faut la comprendre, il faut la défendre et étendre son champ d'action. La laïcité trouve ses fondements dans notre passé, mais ce n'est pas une idée du passé. Ce n'est pas une opinion particulière, c'est la liberté d'en avoir une et de l'exprimer. C'est un idéal de paix et de concorde républicaine qui se déploie au-delà de nos différences, notamment ethniques, religieuses, philosophiques.
Certains définissent la laïcité comme « la loi qui défend la foi tant que la foi ne veut pas faire la loi » … d’autres y voient « la transcendance des transcendances » alors que R.Debray (3) la présente comme « la transcendance en autogestion ». Quoi qu’il en soit, contrairement à ce que d’aucuns voudraient faire croire, si nous nous opposons au prosélytisme, nous ne sommes « bouffeurs » ni de curés, ni de pasteurs, pas plus que de rabbins, d’imams ou autres ministres du Culte.
Henri Pena-Ruiz, dans une lettre à Régis Debray le 10 octobre 2001, rappelait que « la laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence, car ce qui est commun en droit à tous les hommes doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait ».
Présenter la laïcité comme une religion c’est la desservir, c’est semer le trouble dans les esprits, beaucoup arrêtant leur analyse - on ne saurait leur en faire grief- au sens commun du terme sans se préoccuper du sens étymologique.
Nous l’avons dit, la laïcité est un cadre juridique ; c’est une architecture, qui ne saurait répondre aux questions spirituelles propres à chacun, pas plus qu’elle n’a pour vocation de lutter contre les convictions.
Contrairement à ce qu’affirment de manière péremptoire certains de nos détracteurs, « il ne faut pas comprendre la laïcité comme le combat contre les religions ou la penser comme une nouvelle religion sans Dieu. C’est le respect des convictions de chacun, le non-prosélytisme, les croyances ou non-croyances devant être gardées dans l’intimité, car elles font partie de notre jardin secret personnel.» (7).
Par contre, nous pensons que la liberté de pratiquer une religion, de manifester ses croyances, voire d’en changer impose des limites ; pour vivre et être ensemble, avec nos différences il parait souhaitable de ne pas surexposer ce qui se rapporte à la sphère privée, à l’intime.
Nous respectons toutes les croyances, toutes les options spirituelles et toutes les doctrines philosophiques ou religieuses relatives au salut, à la vie éternelle, etc.., mais nous n’attribuons pas de prééminence et aucune ne peut nous être imposée. Aucune de ces croyances ne peut remettre en cause les découvertes et les preuves scientifiques au nom d’un dogme. De même refusons-nous que les croyances interfèrent dans la vie publique et les institutions ; la religion doit demeurer à la porte de la République. Enfin, respectant, comme nous l’avons dit, toutes les croyances, toutes les options spirituelles et toutes les doctrines philosophiques ou religieuses, nous entendons que la réciproque soit vraie.
Dans un monde qui se déchire en se référant à Dieu, nos préoccupations se focalisent sur le sort de l’humanité ici et maintenant. Engagés au service d’une libération, nous nous soucions de l’éveil des consciences.
La laïcité n’a pas vocation à soulager les angoisses existentielles ; ainsi que l’affirmait Condorcet, « un état laïque se prive du droit de décider où se trouve la vérité et où réside l’erreur ». Il n’y a pas de vérité d’état et l’école – terrain d’apprentissage de la raison- enseigne non ce qu’il faut penser, mais comment penser par soi-même.
La laïcité n’est pas à nos yeux un concept philosophique supplémentaire ; elle se veut un art de vivre permettant aux diverses options spirituelles de s’affirmer sans s’imposer et de donner leur place aux religions, mais rien de plus. Ainsi se met en place une étanchéité au regard des dogmes qui altèrent l’esprit critique dans le débat social et l’on sait combien cette altération est un frein au progrès. (9)
On l’aura compris, prise en ce sens, la laïcité qui n’exclut aucune démarche spirituelle, mais n’en privilégie aucune, se passe fort bien de tout qualificatif (plurielle, spirituelle, positive, ouverte, voire concordataire….)
Notre démarche adogmatique et laïque est une extraordinaire ouverture. Nous admettons à nos côtés et parmi nous s’ils le souhaitent les déistes, les théistes les athées, les agnostiques, etc., et cela n’affecte en aucune manière la démarche maçonnique.
Nous nous distinguons en cela de la tradition anglo-saxonne qui fait de la croyance en un Dieu révélé et en l’immortalité de l’âme, deux obligations préalables.
Sur un plan pratique, afin d’élargir notre champ de conscience, les travaux maçonniques nous conduisent à explorer les symboles, des mythes et des légendes issus de différentes traditions sans en privilégier aucun ; ainsi, tous, quelles que soient leurs croyances ou leurs non-croyances peuvent s’y reconnaître et tirer bénéfice de cette étude.
Aujourd’hui, nous ne pouvons ignorer la gravité de la situation. La laïcité est attaquée de toutes parts (4): remise en question de la loi de séparation des églises et de l’État, volonté de la réduire à une simple neutralité de l’État et au dialogue inter-religieux, de l’adapter aux revendications communautaristes, voire d’étendre le régime dérogatoire des cultes d’Alsace-Moselle à l’ensemble du territoire. Abandonner le principe de laïcité conduirait à accepter, à terme, la réorganisation de la nation[1] et de notre société en communautés.
En ces temps de recrudescence de l’intolérance et des fanatismes abandonnant le « doute inconfortable pour la certitude assénée », nous devons craindre que le XXI°siècle soit un siècle de « persécutions et de bûchers ». (1)
La laïcité n’a pas à donner de réponse quant au sens de la vie, de la mort, quant à l’existence de l’âme, quant à l’éternité ; il appartient à chacun de faire son approche des fins ultimes et de choisir son horizon de sens. La laïcité doit être « un creuset de coexistence » garant de la paix civile. (3)
L’affirmer sous-entend une volonté politique, libérée du carriérisme et capable de s’affirmer face aux puissances financières, aux bureaucraties supra nationales, aux communautarismes comme face aux travers du temps peu propices au recul critique et à l’esprit d’examen.
La cruauté des conflits s’oublie et l’espoir de voir les Hommes tirer leçon des horreurs et de la barbarie s’amenuise de jour en jour. Les renoncements, esquives, reniements qui préservent intérêts personnels et politiques à court terme ont pourtant, dans un passé si proche, laissé le champ libre au développement d’idéologies mortifères qui ont su prospérer sur le terreau de la misère, de l’exclusion et de la haine. Alors que s’élabore un apprentissage de la violence fanatique, alors que s’opposent à nouveau des visions du monde radicalement différentes, a-t-on tiré les enseignements de l’histoire ? Se souvient-on des forces inouïes qui durent être déployées quand l’union des défenseurs de la dignité humaine fut enfin réalisée ? Faudra-t-il encore attendre le sacrifice de millions de jeunes hommes pour retrouver une liberté fondamentale, si chèrement conquise, que nous aurons regardée se déliter lentement ?
Laissons la réponse à ce propos très fort de M. Jean Louis Debré alors Président du Conseil Constitutionnel :
« Pour moi, la laïcité n’est pas négociable. Le drame de nos sociétés actuelles, c’est qu’on n’est pas assez offensif sur ce principe.[….] Dire que la laïcité peut être positive ou négative , c’est vouloir admettre qu’on ne croit pas à [la] liberté de conscience. Ça veut dire qu’on considère que la laïcité peut ne pas être positive [….] La laïcité n’est pas une solution, c’est la solution ! » (8)
Ainsi, l’article 1 de la Constitution française de 1958[2] est-il porteur d’un idéal de paix, un idéal de construction d’une humanité qui progresse dans sa dimension humaine. « Le Franc-Maçon du DROIT HUMAIN d’aujourd’hui se veut garant d’une société suffisamment sûre d’elle-même pour être généreuse et ouverte » .(9)
Bibliographie
1. Cavanna F. : Lettre ouverte aux culs-bénits. Albin Michel. 1994.
2. Constitution Internationale de l’Ordre Maçonnique Mixte International Le Droit Humain. Version 2012.
3. Debray R. : Que faut-il entendre par laïcité ? Réalités religieuses. France Culture 15 juillet 2016
4. Kessel P. : Renouer avec le sens de la laïcité. Communiqué du Comité Laïcité République.2015.
5. Meley M. : La Franc-maçonnerie. Ce qu’il faut en savoir. L’Harmattan. Paris 2016
6. Pena-Ruiz H. : Dictionnaire amoureux de la laïcité. Plon. 2014.
7. Ramon Y. : Maçonnerie et libre pensée en Catalogne au XXI° siècle : l’internationalisme du Droit Humain
Conférence à Barcelone - 13 mars 2015.
8. Seelig M. : « Vous avez dit concordat ». L’harmattan Paris 2015.
9. Valeurs et principes du Droit Humain. Site de la Fédération française 2015.
Annexe
Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
Version consolidée au 24 juillet 2016
Le Sénat et la chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Titre Ier : Principes.
Article 1
La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2
La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.
Titre II : Attribution des biens, pensions.
Article 3
Les établissements dont la suppression est ordonnée par l’article 2 continueront provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu’à l’attribution de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et au plus tard jusqu’à l’expiration du délai ci-après.
Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l’administration des domaines à l’inventaire descriptif et estimatif :
1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ;
2° Des biens de l’État, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.
Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ou eux dûment appelés par une notification faite en la forme administrative.
Les agents chargés de l’inventaire auront le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à leurs opérations.
Article 4
Dans le délai d’un an, à partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale, transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l’article 19, pour l’exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements.
Article 5
Ceux des biens désignés à l’article précédent qui proviennent de l’Etat et qui ne sont pas grevés d’une fondation pieuse créée postérieurement à la loi du 18 germinal an X feront retour à l’État.
Les attributions de biens ne pourront être faites par les établissements ecclésiastiques qu’un mois après la promulgation du décret en Conseil d’État prévu à l’article 43. Faute de quoi la nullité pourra en être demandée devant le tribunal de grande instance par toute partie intéressée ou par le ministère public.
En cas d’aliénation par l’association cultuelle de valeurs mobilières ou d’immeubles faisant partie du patrimoine de l’établissement public dissous, le montant du produit de la vente devra être employé en titres de rente nominatifs ou dans les conditions prévues au paragraphe 2 de l’article 22.
L’acquéreur des biens aliénés sera personnellement responsable de la régularité de cet emploi.
Les biens revendiqués par l’Etat, les départements ou les communes ne pourront être aliénés, transformés ni modifiés jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la revendication par les tribunaux compétents.
Article 6
Les associations attributaires des biens des établissements ecclésiastiques supprimés seront tenues des dettes de ces établissements ainsi que de leurs emprunts sous réserve des dispositions du troisième paragraphe du présent article ; tant qu’elles ne seront pas libérées de ce passif, elles auront droit à la jouissance des biens productifs de revenus qui doivent faire retour à l’Etat en vertu de l’article 5.
Les annuités des emprunts contractés pour dépenses relatives aux édifices religieux seront supportées par les associations en proportion du temps pendant lequel elles auront l’usage de ces édifices par application des dispositions du titre III.
Article 7
Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d’une affectation charitable ou d’une tout autre affectation étrangère à l’exercice du culte seront attribués, par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques, aux services ou établissements publics ou d’utilité publique, dont la destination est conforme à celle desdits biens. Cette attribution devra être approuvée par le préfet du département où siège l’établissement ecclésiastique. En cas de non-approbation, il sera statué par décret en Conseil d’État.
Toute action en reprise, qu’elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, concernant les biens dévolus en exécution du présent article, est soumise aux règles prescrites par l’article 9.
Article 8
Faute par un établissement ecclésiastique d’avoir, dans le délai fixé par l’article 4, procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y sera pourvu par décret.
À l’expiration dudit délai, les biens à attribuer seront, jusqu’à leur attribution, placés sous séquestre.
Dans le cas où les biens attribués en vertu de l’article 4 et du paragraphe 1er du présent article seront, soit dès l’origine, soit dans la suite, réclamés par plusieurs associations formées pour l’exercice du même culte, l’attribution qui en aura été faite par les représentants de l’établissement ou par décret pourra être contestée devant le Conseil d’État, statuant au contentieux , lequel prononcera en tenant compte de toutes les circonstances de fait.
La demande sera introduite devant le Conseil d’État, dans le délai d’un an à partir de la date du décret ou à partir de la notification, à l’autorité préfectorale, par les représentants légaux des établissements publics du culte, de l’attribution effectuée par eux. Cette notification devra être faite dans le délai d’un mois.
L’attribution pourra être ultérieurement contestée en cas de scission dans l’association nantie, de création d’association nouvelle par suite d’une modification dans le territoire de la circonscription ecclésiastique et dans le cas où l’association attributaire n’est plus en mesure de remplir son objet.
Article 9
Modifié par ORDONNANCE n°2015-904 du 23 juillet 2015 - art. 13
1. Les biens des établissements ecclésiastiques. qui n’ont pas été réclamés par des associations cultuelles constituées dans le délai d’un an à partir de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, seront attribués par décret à des établissements communaux de bienfaisance ou d’assistance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée, ou, à défaut d’établissement de cette nature, aux communes ou sections de communes, sous la condition d’affecter aux services de bienfaisance ou d’assistance tous les revenus ou produits de ces biens, sauf les exceptions ci-après :
1° Les édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles les garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s’ils n’ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal ;
2° Les meubles ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques ci-dessus mentionnés qui garnissent les édifices désignés à l’article 12, paragraphe 2, de la loi du 9 décembre 1905, deviendront la propriété de l’État, des départements et des communes, propriétaires desdits édifices, s’ils n’ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal ;
3° Les immeubles bâtis, autres que les édifices affectés au culte, qui n’étaient pas productifs de revenus lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et qui appartenaient aux menses archiépiscopales et épiscopales, aux chapitres et séminaires, ainsi que les cours et jardins y attenant, seront attribués par décret, soit à des départements, soit à des communes, soit à des établissements publics pour des services d’assistance ou de bienfaisance ou des services publics ;
4° Les biens des menses archiépiscopales et épiscopales, chapitres et séminaires, seront, sous réserve de l’application des dispositions du paragraphe précédent, affectés dans la circonscription territoriale de ces anciens établissements, au paiement du reliquat des dettes régulières ou légales de l’ensemble des établissements ecclésiastiques compris dans ladite circonscription, dont les biens n’ont pas été attribués à des associations cultuelles, ainsi qu’au paiement de tous frais exposés et de toutes dépenses effectuées relativement à ces biens par le séquestre, sauf ce qui est dit au paragraphe 13 de l’article 3 ci-après. L’actif disponible après l’acquittement de ces dettes et dépenses sera attribué par décret à des services départementaux de bienfaisance ou d’assistance.
En cas d’insuffisance d’actif il sera pourvu au paiement desdites dettes et dépenses sur l’ensemble des biens ayant fait retour à l’État, en vertu de l’article 5 ;
5° Les documents, livres, manuscrits et oeuvres d’art ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques et non visés au 1° du présent paragraphe pourront être réclamés par l’État, en vue de leur dépôt dans les archives, bibliothèques ou musées et lui être attribués par décret ;
6° Les biens des caisses de retraite et maisons de secours pour les prêtres âgés ou infirmes seront attribués par décret à des sociétés de secours mutuels constituées dans les départements où ces établissements ecclésiastiques avaient leur siège.
Pour être aptes à recevoir ces biens, lesdites sociétés devront être approuvées dans les conditions prévues par la loi du 1er avril 1898, avoir une destination conforme à celle desdits biens, être ouvertes à tous les intéressés et ne prévoir dans leurs statuts aucune amende ni aucun cas d’exclusion fondés sur un motif touchant à la discipline ecclésiastique.
Les biens des caisses de retraite et maisons de secours qui n’auraient pas été réclamés dans le délai de dix-huit mois à dater de la promulgation de la présente loi par des sociétés de secours mutuels constituées dans le délai d’un an de ladite promulgation, seront attribués par décret aux départements où ces établissements ecclésiastiques avaient leur siège, et continueront à être administrés provisoirement au profit des ecclésiastiques qui recevaient des pensions ou secours ou qui étaient hospitalisés à la date du 15 décembre 1906.
Les ressources non absorbées par le service de ces pensions ou secours seront employées au remboursement des versements que les ecclésiastiques ne recevant ni pension ni secours justifieront avait faits aux caisses de retraites.
Le surplus desdits biens sera affecté par les départements à des services de bienfaisance ou d’assistance fonctionnant dans les anciennes circonscriptions des caisses de retraite et maisons de secours.
2. En cas de dissolution d’une association, les biens qui lui auront été dévolus en exécution des articles 4 et 8 seront attribués par délibérations concordantes des associations ou établissements concernés, soit à des associations analogues dans la même circonscription ou, à leur défaut, dans les circonscriptions les plus voisines, soit aux établissement visés au paragraphe 1er du présent article.
3. Toute action en reprise, qu’elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution doit être introduite dans le délai ci-après déterminé. Elle ne peut être exercée qu’en raison de donations, de legs ou de fondations pieuses, et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe. Les arrérages de rentes dues aux fabriques pour fondations pieuses ou cultuelles et qui n’ont pas été rachetées cessent d’être exigibles. Aucune action d’aucune sorte ne pourra être intentée à raison de fondations pieuses antérieures à la loi du 18 germinal an X.
4. L’action peut être exercée contre l’attributaire ou, à défaut d’attribution, contre le directeur général des domaines représentant l’État en qualité de séquestre.
5. Nul ne pourra introduire une action, de quelque nature qu’elle soit, s’il n’a déposé, deux mois auparavant un mémoire préalable sur papier non timbré entre les mains du directeur général des domaines qui en délivrera un récépissé daté et signé.
6. Au vu de ce mémoire, et après avis du directeur des domaines, le préfet pourra en tout état de cause, et quel que soit l’état de la procédure, faire droit à tout ou partie de la demande par un arrêté....
7. L’action sera prescrite si le mémoire préalable n’a pas été déposé dans les dix mois à compter de la publication au Journal officiel de la liste des biens attribués ou à attribuer avec les charges auxquelles lesdits biens seront ou demeureront soumis, et si l’assignation devant la juridiction ordinaire n’a pas été délivrée dans les trois mois de la date du récépissé. Parmi ces charges, pourra être comprise celle de l’entretien des tombes.
8. Passé ces délais, les attributions seront définitives et ne pourront plus être attaquées de quelque matière ni pour quelque cause que ce soit. Néanmoins, toute personne intéressée pourra poursuivre devant le Conseil d’État statuant au contentieux, l’exécution des charges imposées par les décrets d’attribution.
9. Il en sera de même pour les attributions faites après solution des litiges soulevés dans le délai.
10. Tout créancier, hypothécaire, privilégié ou autre, d’un établissement dont les biens ont été mis sous séquestre, devra, pour obtenir le paiement de sa créance, déposer préalablement à toute poursuite un mémoire justificatif de sa demande, sur papier non timbré, avec les pièces à l’appui au directeur général des domaines qui en délivrera un récépissé daté et signé.
11. Au vu de ce mémoire et sur l’avis du directeur des domaines, le préfet pourra en tout état de cause, et quel que soit l’état de la procédure, décider, par un arrêté pris en conseil de préfecture, que le créancier sera admis, pour tout ou parti de sa créance, au passif de la liquidation de l’établissement supprimé.
12. L’action du créancier sera définitivement éteinte si le mémoire préalable n’a pas été déposé dans les six mois qui suivront la publication au Journal officiel prescrite par le paragraphe 7 du présent article, et si l’assignation devant la juridiction ordinaire n’a pas été délivrée dans les neuf mois de ladite publication.
13. Dans toutes les causes auxquelles s’appliquent les dispositions de la présente loi, le tribunal statue comme en matière sommaire, conformément au titre 24 du livre II du Code de procédure civile. Les frais exposés par le séquestre seront, dans tous les cas, employés en frais privilégiés sur le bien séquestré, sauf recouvrement contre la partie adverse condamnée aux dépens, ou, sur la masse générale des biens recueillis par l’État. Le donateur et les héritiers en ligne directe soit du donateur, soit du testateur ayant, dès à présent, intenté une action en revendication ou en révocation devant les tribunaux civils, sont dispensés des formalités de procédure prescrites par les paragraphes 5,6 et 7 du présent article.
14. L’État, les départements les communes et les établissements publics ne peuvent remplir ni les charges pieuses ou cultuelles, afférentes aux libéralités à eux faites ou, aux contrats conclus par eux, ni les charges dont l’exécution comportait l’intervention soit d’un établissement public du culte, soit de titulaires ecclésiastiques. Ils ne pourront remplir les charges comportant l’intervention d’ecclésiastiques pour l’accomplissement d’actes non cultuels que s’il s’agit de libéralités autorisées antérieurement à la promulgation de la présente loi, et si, nonobstant l’intervention de ces ecclésiastiques, ils conservent un droit de contrôle sur l’emploi desdites libéralités. Les dispositions qui précèdent s’appliquent au séquestre.
Dans les cas prévus à l’alinéa 1er du présent paragraphe, et en cas d’inexécution des charges visées à l’alinéa 2, l’action en reprise, qu’elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, ne peut être exercée que par les auteurs des libéralités et leurs héritiers en ligne directe.
Les paragraphes précédents s’appliquent à cette action sous les réserves ci-après :
Le dépôt du mémoire est fait au préfet, et l’arrêté du préfet en conseil de préfecture est pris, s’il y a lieu, après avis de la commission départementale pour le département, du conseil municipal pour la commune et de la commission administrative pour l’établissement public intéressé. En ce qui concerne les biens possédés par l’État, il sera statué par décret. L’action sera prescrite si le mémoire n’a pas été déposé dans l’année qui suivra la promulgation de la présente loi, et l’assignation devant la juridiction ordinaire délivrée dans les trois mois de la date du récépissé.
15. Les biens réclamés, en vertu du paragraphe 14, à l’État, aux départements, aux communes et à tous les établissements publics ne seront restituables, lorsque la demande ou l’action sera admise, que dans la proportion correspondant aux charges non exécutées, sans qu’il y ait lieu de distinguer si lesdites charges sont ou non déterminantes de la libéralité ou du contrat de fondation pieuse et sous déduction des frais et droits correspondants payés lors de l’acquisition des biens.
16. Sur les biens grevés de fondations de messes, l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics possesseurs ou attributaires desdits biens, devront, à défaut des restitutions à opérer en vertu du présent article, mettre en réserve la portion correspondant aux charges ci-dessus visées.
Cette portion sera remise aux sociétés de secours mutuels constituées conformément au paragraphe 1er, 6°, de l’article 9 de la loi du 9 décembre 1905, sous la forme de titres de rente nominatifs, à charge par celles-ci d’assurer l’exécution des fondations perpétuelles de messes. Pour les fondations temporaires, les fonds y afférents seront versés auxdites sociétés de recours mutuels, mais ne bénéficieront pas du taux de faveur prévu par l’article 21 de la loi du 1er avril 1898.
Les titres nominatifs seront remis et les versements faits à la société de secours mutuels qui aura été constituée dans le département, ou à son défaut dans le département le plus voisin.
À l’expiration du délai de dix-huit mois prévu au paragraphe 1er, 6° ci-dessus visé, si aucune des sociétés de secours mutuels qui viennent d’être mentionnées n’a réclamé la remise des titres ou le versement auquel elle a droit, l’État, les départements, les communes et les établissements publics seront définitivement libérés et resteront propriétaires des biens par eux possédés ou à eux attribués, sans avoir à exécuter aucune des fondations et messes grevant lesdits biens.
La portion à mettre en réserve, en vertu des dispositions précédentes sera calculée sur la base des tarifs indiqués dans l’acte de fondation, ou, à défaut, sur la base des tarifs en vigueur au 9 décembre 1905.
Article 10
Modifié par ORDONNANCE n°2015-904 du 23 juillet 2015 - art. 13
1. Les attributions prévues par les articles précédents ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor.
2. Les transferts, transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats seront opérés ou délivrés par les compagnies, sociétés et autres établissements débiteurs et par les conservateurs des hypothèques, en vertu, soit d’une décision de justice devenue définitive, soit d’un arrêté pris par le préfet soit des délibérations concordantes prévues au 2 de l’article 9, soit d’un décret d’attribution.
3. Les arrêtés et décrets, les transferts, les transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats opérés ou délivrés venu desdits arrêtés et décrets ou des décisions de justice susmentionnés seront affranchis de droits de timbre, d’enregistrement et de toute taxe.
4. Les attributaires de biens immobiliers seront, dans tous les cas, dispensés de remplir les formalités de purge des hypothèques légales. Les biens attribués seront francs et quittes de toute charge hypothécaire ou privilégiée qui n’aurait pas été inscrite avant l’expiration du délai de six mois à dater de la publication au Journal officiel ordonnée par le paragraphe 7 de l’article 9.
Article 11 (abrogé)
Abrogé par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 163
Titre III : Des édifices des cultes.
Article 12
Modifié par Loi n°98-546 du 2 juillet 1998 - art. 94
Les édifices qui ont été mis à la disposition de la nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X, servent à l’exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leurs dépendances immobilières et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l’État, des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ayant pris la compétence en matière d’édifices des cultes.
Pour ces édifices, comme pour ceux postérieurs à la loi du 18 germinal an X, dont l’Etat, les départements et les communes seraient propriétaires, y compris les facultés de théologie protestante, il sera procédé conformément aux dispositions des articles suivants.
Article 13
Modifié par ORDONNANCE n°2015-904 du 23 juillet 2015 - art. 13
Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II.
La cessation de cette jouissance, et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par arrêté préfectoral, sauf recours au Conseil d’État statuant au contentieux :
1° Si l’association bénéficiaire est dissoute :
2° Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d’être célébré pendant plus de six mois consécutifs :
3° Si la conservation de l’édifice ou celle des objets mobiliers classés en vertu de la loi de 1887 et de l’article 16 de la présente loi est compromise par insuffisance d’entretien, et après mise en demeure dûment notifiée du conseil municipal ou, à son défaut du préfet :
4° Si l’association cesse de remplir son objet ou si les édifices sont détournés de leur destination ;
5° Si elle ne satisfait pas soit aux obligations de l’article 6 ou du dernier paragraphe du présent article, soit aux prescriptions relatives aux monuments historiques. Dans les cinq cas ci-dessus prévus, la désaffectation des édifices cultuels communaux ainsi que des objets mobiliers les garnissant pourra être prononcée par décret en Conseil d’État. Toutefois cette désaffectation pourra être prononcée par arrêté préfectoral, à la demande du conseil municipal, lorsque la personne physique ou morale ayant qualité pour représenter le culte affectataire aura donné par écrit son consentement à la désaffectation.
En dehors de ces cas, la désaffectation ne pourra être prononcée que par une loi.
Les immeubles autrefois affectés aux cultes et dans lesquels les cérémonies du culte n’auront pas été célébrées pendant le délai d’un an antérieurement à la présente loi, ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés par une association cultuelle dans le délai de deux ans après sa promulgation, pourront être désaffectés par décret.
Il en est de même pour les édifices dont la désaffectation aura été demandée antérieurement au 1er juin 1905.
Les établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d’assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant.
L’État, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi.
Article 14
Les archevêchés, évêchés, les presbytères et leurs dépendances, les grands séminaires et facultés de théologie protestante seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations prévues à l’article 13, savoir : les archevêchés, et évêchés pendant une période de deux années ; les presbytères dans les communes où résidera le ministre du culte, les grands séminaires et facultés de théologie protestante, pendant cinq années à partir de la promulgation de la présente loi.
Les établissements et associations sont soumis, en ce qui concerne ces édifices, aux obligations prévues par le dernier paragraphe de l’article 13. Toutefois, ils ne seront pas tenus des grosses réparations.
La cessation de la jouissance des établissements et associations sera prononcée dans les conditions et suivant les formes déterminées par l’article 13. Les dispositions des paragraphes 3 et 5 du même article sont applicables aux édifices visés par le paragraphe 1er du présent article.
La distraction des parties superflues des presbytères laissés à la disposition des associations cultuelles pourra, pendant le délai prévu au paragraphe 1er, être prononcée pour un service public par décret rendu en Conseil d’État.
À l’expiration des délais de jouissance gratuite, la libre disposition des édifices sera rendue à l’État, aux départements ou aux communes.
Ceux de ces immeubles qui appartiennent à l’État pourront être, par décret, affectés ou concédés gratuitement, dans les formes prévues à l’ordonnance du 14 juin 1833, soit à des services publics de l’État, soit à des services publics départementaux ou communaux.
Les indemnités de logement incombant actuellement aux communes, à défaut de presbytère, par application de l’article 136 de la loi du 5 avril 1884, resteront à leur charge pendant le délai de cinq ans. Elles cesseront de plein droit en cas de dissolution de l’association.
Article 15
Dans les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes, la jouissance des édifices antérieurs à la loi du 18 germinal an X, servant à l’exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, sera attribuée par les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent, aux associations cultuelles, dans les conditions indiquées par les articles 12 et suivants de la présente loi. En dehors de ces obligations, les communes pourront disposer librement de la propriété de ces édifices.
Dans ces mêmes départements, les cimetières resteront la propriété des communes.
Article 16
Il sera procédé à un classement complémentaire des édifices servant à l’exercice public du culte (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), dans lequel devront être compris tous ceux de ces édifices représentant, dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur artistique ou historique.
Les objets mobiliers ou les immeubles par destination mentionnés à l’article 13, qui n’auraient pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l’effet de la présente loi, ajoutés à ladite liste. Il sera procédé par le ministre compétent, dans le délai de trois ans, au classement définitif de ceux de ces objets dont la conservation présenterait, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt suffisant. À l’expiration de ce délai, les autres objets seront déclassés de plein droit.
En outre, les immeubles et les objets mobiliers, attribués en vertu de la présente loi aux associations, pourront être classés dans les mêmes conditions que s’ils appartenaient à des établissements publics.
Il n’est pas dérogé, pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.
Les archives ecclésiastiques et bibliothèques existant dans les archevêchés, évêchés, grands séminaires, paroisses, succursales et leurs dépendances, seront inventoriées et celles qui seront reconnues propriété de l’État lui seront restituées.
Article 17
Les immeubles par destination classés en vertu de la loi du 30 mars 1887 ou de la présente loi sont inaliénables et imprescriptibles. Dans le cas où la vente ou l’échange d’un objet classé serait autorisé par le ministre compétent, un droit de préemption est accordé : 1° aux associations cultuelles ; 2° aux communes ; 3° aux départements ; 4° aux musées et sociétés d’art et d’archéologie ; 5° à l’État. Le prix sera fixé par trois experts que désigneront le vendeur, l’acquéreur et le président du tribunal de grande instance.
Si aucun des acquéreurs visés ci-dessus ne fait usage du droit de préemption la vente sera libre ; mais il est interdit à l’acheteur d’un objet classé de le transporter hors de France.
La visite des édifices et l’exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance.
Titre IV : Des associations pour l’exercice des cultes.
Article 18
Les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi.
Article 19
Modifié par LOI n° 2009-526 du 12 mai 2009 - art. 111 (V)
Modifié par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 21
Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte et être composés au moins :
Dans les communes de moins de 1.000 habitants, de sept personnes ;
Dans les communes de 1.000 à 20.000 habitants, de quinze personnes ;
Dans les communes dont le nombre des habitants est supérieur à 20.000, de vingt-cinq personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse.
Chacun de leurs membres pourra s’en retirer en tout temps, après payement des cotisations échues et de celles de l’année courante, nonobstant toute clause contraire.
Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d’administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année au moins présentés au contrôle de l’assemblée générale des membres de l’association et soumis à son approbation.
Les associations pourront recevoir, en outre, des cotisations prévues par l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, percevoir des rétributions : pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.
Les associations cultuelles pourront recevoir, dans les conditions prévues par les trois derniers alinéas de l’article 910 du code civil, les libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l’accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles.
Elles pourront verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet.
Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques.
Article 20
Ces associations peuvent, dans les formes déterminées par l’article 7 du décret du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale ; ces unions seront réglées par l’article 18 et par les cinq derniers paragraphes de l’article 19 de la présente loi.
Article 21
Modifié par ORDONNANCE n°2015-904 du 23 juillet 2015 - art. 13
Les associations et les unions dressent chaque année l’état inventorié de leurs biens meubles et immeubles.
Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par le ministre des finances et par l’inspection générale des finances.
Article 22
Modifié par ORDONNANCE n°2015-904 du 23 juillet 2015 - art. 13
Les associations et unions peuvent employer leurs ressources disponibles à la constitution d’un fonds de réserve suffisant pour assurer les frais et l’entretien du culte et ne pouvant, en aucun cas, recevoir une autre destination.
Article 23
Modifié par ORDONNANCE n°2015-904 du 23 juillet 2015 - art. 13
Seront punis d’une amende prévue par le 5° de l’article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5ème classe, et, en cas de récidive, d’une amende double, les directeurs ou administrateurs d’une association ou d’une union qui auront contrevenu aux articles 18,19,20,21 et 22.
Les tribunaux pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, prononcer la dissolution de l’association ou de l’union.
Article 24
Les édifices affectés à l’exercice du culte appartenant à l’État, aux départements ou aux communes continueront à être exemptés de l’impôt foncier et de l’impôt des portes et fenêtres.
Les édifices servant au logement des ministres des cultes, les séminaires, les facultés de théologie protestante qui appartiennent à l’État, aux départements ou aux communes, les biens qui sont la propriété des associations et unions sont soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.
Toutefois, les édifices affectés à l’exercice du culte qui ont été attribués aux associations ou unions en vertu des dispositions de l’article 4 de la présente loi sont, au même titre que ceux qui, appartiennent à l’État, aux départements et aux communes, exonérés de l’impôt foncier et de l’impôt des portes et fenêtres.
Les associations et unions ne sont en aucun cas assujetties à la taxe d’abonnement ni à celle imposée aux cercles par article 33 de la loi du 8 août 1890, pas plus qu’à l’impôt de 4 % sur le revenu établi par les lois du 28 décembre 1880 et 29 décembre 1884.
Titre V : Police des cultes.
Article 25
Les réunions pour la célébration d’un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l’article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 26
Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.
Article 27
Modifié par Loi n° 96-142 du 21 février 1996 (V)
Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte, sont réglées en conformité de l’article L2212-2 du code général des collectivités territoriales.
Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l’association cultuelle, par arrêté préfectoral.
Le décret en Conseil d’État prévu par l’article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu.
Article 28
Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.
Article 29
Les contraventions aux articles précédents sont punies des peines de police.
Sont passibles de ces peines, dans le cas des articles 25, 26 et 27, ceux qui ont organisé la réunion ou manifestation, ceux qui y ont participé en qualité de ministres du culte et, dans le cas des articles 25 et 26, ceux qui ont fourni le local.
Article 30 (abrogé)
Abrogé par Ordonnance 2000-549 2000-06-15 art. 7 JORF 22 juin 2000
Article 31
Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte.
Article 32
Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices.
Article 33
Les dispositions des deux articles précédents ne s’appliquent qu’aux troubles, outrages ou voies de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines d’après les dispositions du Code pénal.
Article 34
Modifié par Ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 1 (V)
Tout ministre d’un culte qui, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 3 750 euros. et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement.
La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s’il est relatif aux fonctions, pourra être établi devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l’article 65 de la même loi s’appliquent aux délits du présent article et de l’article qui suit.
Article 35
Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile.
Article 36
Dans le cas de condamnation par les tribunaux de police ou de police correctionnelle en application des articles 25 et 26, 34 et 35, l’association constituée pour l’exercice du culte dans l’immeuble où l’infraction a été commise sera civilement responsable.
Titre VI : Dispositions générales.
Article 37
L’article 463 du Code pénal et la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous les cas dans lesquels la présente loi édicte des pénalités.
NOTA :
Aux termes de l’article 323 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 : Sont abrogées toutes les dispositions faisant référence à l’article 463 du code pénal.
Article 38
Les congrégations religieuses demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901, 4 décembre 1902 et 7 juillet 1904.
Article 39
Les jeunes gens, qui ont obtenu à titre d’élèves ecclésiastiques la dispense prévue par l’article 23 de la loi du 15 juillet 1889, continueront à en bénéficier conformément à l’article 99 de la loi du 21 mars 1905, à la condition qu’à l’âge de vingt-six ans ils soient pourvus d’un emploi de ministre du culte rétribué par une association cultuelle et sous réserve des justifications qui seront fixées par un décret en Conseil d’État.
Article 40
Pendant huit années à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère ecclésiastique.
Article 41 (abrogé)
Article 42 (abrogé)
Abrogé par Loi n°73-4 du 2 janvier 1973 - art. 2 (V) JORF 3 janvier 1973
Article 43
Modifié par Loi n°2007-224 du 21 février 2007 - art. 21 (V)
Un décret en Conseil d’État rendu dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi déterminera les mesures propres à assurer son application.
Des décrets en Conseil d’État détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.
Article 44
Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l’organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l’État, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi et notamment :
1° La loi du 18 germinal an X, portant que la convention passée le 26 messidor an IX entre le pape et le Gouvernement français, ensemble les articles organiques de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés comme des lois de la République ;
2° Le décret du 26 mars 1852 et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants ;
3° Les décrets du 17 mars 1808, la loi du 8 février 1831 et l’ordonnance du 25 mai 1844 sur le culte israélite ;
4° Les décrets des 22 décembre 1812 et 19 mars 1859 ;
5° Les articles 201 à 208, 260 à 264, 294 du Code pénal ;
6° Les articles 100 et 101, les paragraphes 11 et 12, de l’article 136 et l’article 167 de la loi du 5 avril 1884 ;
7° Le décret du 30 décembre 1809 et l’article 78 de la loi du 26 janvier 1892.
Le Président de la République, Emile LOUBET
Le président du conseil, ministre des affaires étrangères, ROUVIER
Le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes, Bienvenu MARTIN
Le ministre de l’intérieur, F. DUBIEF
Le ministre des finances, P. MERLOU
Le ministre des colonies, CLEMENTEL.
[1] Dans son « Discours sur la Nation », prononcé à la Sorbonne le 11 mars 1882 E.Renan définissait ainsi la nation française : « Elle est composée de gens qui partagent le même socle de valeurs et qui, sur la base de ces valeurs et d’une histoire partagée expriment clairement le désir de poursuivre la vie commune [….] Une nation c’est un plébiscite de tous les jours ».
[2] Article 1 de la Constitution Française de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances »