Pourquoi Rites, Rituels et Symboles?

Pourquoi Rites, Rituels et Symboles?

Plusieurs fois par jour, nous nous plions à des rites et rituels (ex. le rituel des repas, de Noël…), nous communiquons inconsciemment par symboles, sans même nous en rendre compte. Aussi, avant d’envisager le « comment » et le « pourquoi » qui se mettront progressivement en place, il est nécessaire de définir chacun de ces termes, alors même qu’apparaitront les relations intimes entre rituels, rites et symboles

 

LES RITES

On peut distinguer

  • Les rites réservés à certains membres d'une société initiatique comme la Franc-Maçonnerie.
  • Les Rites rites communs à tous, pratiqués chez tout le monde.

Parmi les rites les plus connus et probablement parmi les plus anciens, citons les rites de passage :

o   La naissance : baptême, circoncision, excision

o   La puberté : confirmation, bar mitzva

o   La fécondité : mariage, fiançailles

o   La mort : enterrement, crémation

Ce sont des cérémonies destinées à aider le sujet à surmonter la crise représentée par un changement de ses caractères physiologiques ou sociaux. Elles ont un rôle important dans le renforcement de l'ordre social et dans la cohésion du groupe. En respectant les rites sociaux et les codes propres à la culture du groupe, chacun manifeste en fait son désir d'être pleinement admis en son sein.

Les constantes du rite sont :

o   Sa répétition,

o   Sa pratique renouvelée à l’identique

o   Dans un contexte perpétuellement similaire

o   Si nous prenons l’exemple du rite funéraire, il comporte :

  • un rituel de toilette funéraire,
  • un rituel d’inhumation (cercueil ou chez les musulmans à même la terre sur le côté droit en direction de La Mecque, 3 pelletées de terre par chaque proche chez lez israélites…),
  • des instructions concernant la pierre tombale
  • et d’éventuelles interdictions (crémation, don d’organes…)

 

QU’EST-CE QU’UN RITE MAÇONNIQUE ? 


La multiplication des rituels maçonniques au 18° siècle a conduit, pour normaliser les pratiques à les rassembler en rites.

Les rites maçonniques sont conçus pour conduire une progression.

Prenons l’exemple du rite le plus pratiqué dans le monde, le Rite Ecossais Ancien et Accepté[1]. Il permet une progression en 33 degrés (1° degré = apprenti, 2° degré = compagnon, 3° degré = maître…etc.). Chaque degré est un seuil, un palier, une pause, mais aussi une porte entre-ouverte.

Le rite désigne donc l’ensemble des rituels écrits (rituel au grade d’apprenti, rituel au grade de compagnon, rituel au grade de maître… etc.) se rapportant aux divers degrés de ce rite.

Le Rite Ecossais Ancien Et Accepté est un guide

  • il propose des valeurs sans les imposer, valeurs humanistes difficilement réfutable
  • il ne délivre aucune vérité indiscutable. Nous y reviendrons.

 

LES RITUELS

QU'EST-CE QUE LE RITUEL ?

C’est un ensemble de règles et habitudes fixé par la tradition[2].

Notre vie profane est pleine de rituels individuels ou collectifs,

·      Rituels individuels….. Exemples :

o   Pour les croyants la prière

o   Pour d’autres la réflexion

o   L’heure des ablutions

·      Rituels collectifs :

Le principe de la sélection est une des particularités qui marque généralement ces rituels profanes collectifs.

o   On fête son anniversaire avec sa famille et ses amis,

o   on célèbre la fête nationale avec ses concitoyens,

o   on célèbre les cérémonies religieuses avec ceux qui partagent la même foi.

Les rituels individuels sont espacés dans le temps en fonction de nos besoins

Les rituels collectifs le sont en fonction des règles bien établies par le groupe.

 

QU’EST-CE QU’UN RITUEL MAÇONNIQUE ?

C’est un texte utilisé pour la pratique et l’étude d’un degré du rite (cf.supra). Il répertorie des gestes, des paroles, des attitudes, des déplacements…. Ainsi lors de l’ouverture des travaux est-il prévu un ordre d’allumage des lumières, puis la manière dont doivent être installés les outils.

Comme chaque symbole, chaque rite, l’intérêt de chaque rituel – nous le reverrons — réside dans une recherche individuelle, dans le but d’éveiller et de développer sa conscience personnelle.

À QUOI SERT LE RITUEL MAÇONNIQUE ?

Le rituel est un puissant outil de transmission.

a - le rituel est un code de comportement et de communication (gestes, paroles, déplacements, attitudes)

·      il libère du monde profane, et permet de mettre de l'ordre en soi. (dans ce but, il comporte un temps destiné à l’ouverture travaux, transition entre le mode profane d’où l’on vient avec son lot de difficultés, soucis, stress… et les travaux eux-mêmes)

·      le rituel joue aussi, au niveau des échanges de vues, un rôle de modération. Il fixe l’ordre des interventions, codifie les prises de paroles. Il maintient ainsi le calme, la concentration et le respect mutuel. Qui peut parler ? Quand ? Comment ?

·      il contribue à maîtriser le physique pour libérer l'intellect et le spirituel

·      dans le rituel chaque formulation signifie et enseigne

·      chacun s’approprie le rituel à son rythme : d’abord on l'accepte sans comprendre, puis on comprend le « comment », pour enfin saisir le « pourquoi »

·      ainsi, forme et discipline sont imposées, mais l'esprit doit rester et reste libre.

·      outil de pensée libre le rituel maçonnique diffère en cela des rituels religieux,

·      les rituels sont des formes à l’intérieur desquelles se construit du sens : ils visent à libérer les esprits et rendre possible la pensée créatrice.

                                                                          

b - Que génère le rituel ?

  • Le rituel provoque une rupture avec le monde profane
  • Le rituel invite à poursuivre au dehors l'œuvre commencée dans le temple.
  • Le rituel est important, mais il n'est ni sacré ni immuable.

Pour les francs-maçons, ce qui importe c'est de donner du sens. Par exemple l’entrée dans le temple avant le début des travaux :

o   parmi tous les frères et sœurs qui composent un atelier, certains sont élus chaque année pour occuper des fonctions au service de l’atelier (un président qui porte le titre de Vénérable maitre, un trésorier, un chargé de la solidarité… etc) ; ils sont nommés « officiers de la loge », car ils occupent des offices.

o   l’entrée dans le temple (nom donné au local dans lequel travaillent les francs-maçons) peut se faire d’au moins deux manières selon le sens que l’on veut attribuer à ce moment

§  soit…… tous les officiers sont à leur place et accueillent les frères et sœurs qui vont participer aux travaux quand ils entrent dans le temple dans l’ordre de leurs grades (apprentis, puis compagnons, puis maitres…)

§  soit… tous les participants entrent en 1° et accueillent debout les officiers et le Vénérable Maître pour témoigner le respect dû aux fonctions qu’ils assurent.

  • Bien vivre le rituel impose de l'avoir compris ; il doit donc être pensé, vécu et assimilé par chacun ;
  • Pour le décrypter il faut le travailler… apparaissent un sens premier puis un sens second et nous nous apercevons que comme avec les poupées gigognes, il y a toujours à découvrir.
  • Si gestes, paroles, déplacements et attitudes qui constituent le rituel étaient répétés sans en analyser ni en comprendre le sens ce ne serait que superstition.

 

LES SYMBOLES

Rites et symboles constituent un couple inséparable.

Il y a 2 formes de connaissance : celle qui s’offre directement à la sensibilité (ce que je vois, je sens, je touche…) et la connaissance indirecte qui procède, entre autres, par métaphores, allégories, symboles.

1-    La métaphore : c’est une « figure » par laquelle la signification naturelle d’un mot est changée en une autre (comparaison abrégée) (ex :  « l’homme est un roseau pensant » Pascal) 

2-     L’allégorie : est une figure de style qui permet de mieux comprendre un concept, une idée, une abstraction, grâce à une histoire, une métaphore, une image ou un symbole.

  • Les symboles permettent de construire l’allégorie…
  • l’allégorie c’est la mise en scène d’une idée grâce à des symboles ; ainsi repère-t-on l’allégorie de la justice en utilisant les symboles de la balance, des yeux bandés et du glaive.
  • L’allégorie part d’une idée abstraite pour aboutir à une figure,

3-    Le symbole

  • il est apparu en un temps ou la majorité des humains ne savait ni lire ni écrire.
  • le symbole est d’abord une figure source d’idées.
  • le symbole renvoie à une réalité non représentable (ex : ainsi l’équerre évoquera pour certains la rectitude, pour d’autres la droiture… etc), invisible, méta —physique.
  • le symbole : c’est ce qui représente autre chose en vertu d’une correspondance analogique
  • le symbole mobilise donc……

·      Analogie, « pensée analogique » (quelque chose qui fait penser à... puis qui fait penser à...)

·      Association d’idées,

·      Intuition

Le symbole met tous nos sens en éveil

  • il permet le passage du visible (ex. : l’équerre) à l’invisible (la rectitude, la droiture ou autre)
  • le symbole invite à découvrir une réalité au-delà des apparences, au-delà des significations les plus évidentes
  • C’est donc un médiateur entre le monde physique et le monde de la pensée.
  • C’est un objet concret (l’équerre) qui représente une, voire plusieurs idées abstraites (ici la rectitude, la droiture…).
  • Le symbole permet d’accéder à la partie la moins rationnelle de notre être, élargissant ainsi notre champ de la conscience.

Le symbolisme apparait comme un langage que chacun perçoit en fonction

  • de son entendement,
  • de son contexte culturel
  • de sa faculté de raisonnement analogique
  • et de l'état de veille intérieur de sa conscience.

Il parle à chacun selon sa sensibilité

Par ses multiples facettes

  • il suggère,
  • il est indéfiniment évocateur,
  • il est une fenêtre ouverte.
  • C’est un « mille feuilles » de sens

La pratique du symbolisme est donc

  • adogmatique il fait fi des mouvements idéologiques et religieux
  • elle libère des idées reçues
  • et empêche de se blottir dans des certitudes figées.

Alors que les concepts sont déterminés, tels des briques prêtes à bâtir…

  • la symbolique est là pour donner à penser
  • pour donner à penser librement

Les symboles ne suppriment pas la réalité objective, mais ils lui ajoutent une dimension.  

Ce sont des supports de réflexion, des outils d'élargissement (d'élévation) de la conscience.

Ils ne sont ni des dieux, ni des idoles et encore moins des objets de culte : il convient donc d’éviter le piège de la « symbolâtrie ».

L’étude des symboles enrichit donc la rationalité :

  • Les symboles font réfléchir et ils agissent de manière intuitive ou inconsciente.
  • Cette forme de pensée n’est pas en contradiction avec le raisonnement logique
  • les signes parlent à la raison et les symboles parlent à l’être tout entier.
  • Donc cette forme de pensée, la pensée symbolique nous enrichit en ouvrant notre champ de conscience.

Tout symbole possède deux parties, comme le « sunbolon » grec (fragment de poterie cassée), et ces deux parties forment l’unité lorsqu’elles sont jointes.

Deux parties dans le symbole, deux aspects, qui se rencontrent dans le même objet :

  • l'aspect concret, visible, perceptible ;

o   ce compas que je vois, cette équerre que je touche,

o   situés dans un espace et dans un temps, c’est le « signifiant »

o   c’est l’aspect permanent et universel

  • l'aspect invisible, ineffable ;

o   ce que je ne peux ni voir, ni toucher ;

o   ce à quoi renvoient ce compas et cette équerre,

o   c’est le « signifié », c'est-a-dire la signification ou les significations que peuvent prendre pour une conscience — la mienne, la vôtre — le compas et l'équerre, ou tout autre objet.

o   c’est non plus le sens permanent et universel, mais l’interprétation et la perception personnelle

  • donc la portée concrète du symbole peut renvoyer à une pluralité de significations.

En somme,

  • Le symbole est un « mille-feuille » de sens.
  • Le symbole dit et ne dit pas ?
  • Il nous incite à découvrir ce qu’il ne dit pas…
  • Donc… décrypter un symbole, c’est se décrypter soi-même et décrypter le monde[3].

Si nous considérons un compas ….par analogie que peut-on évoquer …. ?

  • le centre
  • l’écartement variable
  • le cercle… etc

Si nous considérons l’équerre, elle peut renvoyer à la rectitude, à la droiture…. nous savons qu’avec son angle droit elle sert à vérifier la qualité de la taille de la pierre. C’est l’outil qui permet de vérifier la rectitude de la construction, vérifier que tout « est d’équerre », c’est-à-dire droit, ne pouvant s’effondrer.

Pour les francs-maçons, la vie de l’Homme est toujours à construire ; chacun s’empare du symbole de l’équerre et cherche alors dans sa propre vie quelles sont les valeurs qui l’aident à construire son existence dans la droiture dans la rectitude… et qu’est-ce que pour moi la droiture ? la rectitude ?…….dans quel cadre de référence ?

Tout cela n’est complexe qu’en apparence ; chacun aura sa façon de s’approprier, à son rythme et en toute liberté, rituels et symboles, au contact des autres, enrichi par leurs approches.

 

POURQUOI TOUT CELA ?

 

Plusieurs questions peuvent venir interroger l’esprit du profane.

1.    les rituels, en tant que code de « bonne conduite ensemble » : l’idée qu’il puisse y avoir des règles se comprend aisément.

2.    les rituels en tant que porteurs de messages : pourquoi ne pas dire et expliquer le message que l’on souhaite transmettre ?

Tout simplement parce que la Franc-maçonnerie n’est pas une école de pensée, mais une école ou l’on apprend à penser. La Franc-maçonnerie n’est pas un enseignement, mais un éveil. C’est un chemin de liberté sans dogme.

Le rituel maçonnique prétend moins enseigner par le discours qu’entrainer le candidat dans une expérience vécue. Chacun, en pratique et en toute autonomie, saura trouver le chemin, son chemin.

Le rituel, cela va de soi, n’est pas le but, mais le chemin nécessaire pour y parvenir.

Ni le code de la route, ni la carte routière ne vous disent où aller !

Dans le texte d’un rituel, ce n’est pas le sens littéral qui importe, mais le sens profond

vécu par le candidat en son for intérieur.

Le rite et ses rituels sont des formes à l’intérieur desquelles se construit du sens. Le rite c’est le plan… le rituel c’est la méthode, la boite à outils…, les outils sont les symboles.

3.    Même questionnement à propos des symboles : pourquoi ne pas dire ce que l’on veut dire et remplacer les symboles par des mots ?

Pour les raisons précédemment évoquées, mais aussi parce que « l’essentiel est invisible pour les yeux, et indicible par les mots ».

Alors que le « savoir » est transmissible, par mots et formules, qu’il s’édifie par démonstration rationnelle et expérimentation, la connaissance est par essence intransmissible, incommunicable.

La manière dont les symboles nous parlent nous apprend beaucoup de nous ; c’est un temps essentiel de l’introspection étape indispensable dans la quête de perfectionnement de chaque franc-maçon. C’est justement à travers les symboles que l’on va progressivement s’approcher du plan de la connaissance, à son insu et petit à petit, se mettre en marche sur la voie que l’on a choisie de notre propre et libre volonté.

Au total celui qui parvient à s’approprier ce symbolisme, peut concevoir beaucoup plus

que tout ce qu’il est susceptible d’exprimer directement par des mots, car, nous l’avons évoqué,

le symbole constitue le moyen unique de transmission de tout ce qui est inexprimable par la raison.

Le symbolisme est une langue qui permet une transcendance : la transcendance de soi.

C’est un langage permettant à tous, quel que soit leur niveau d’instruction d’accéder à un savoir, voire une connaissance. (à ce stade le tarot des imagiers du Moyen âge est évoqué)

CONCLUSION

Dès ses origines, la Franc-maçonnerie du Droit Humain a reposé sur 2 piliers : d’une part une mission initiatique individuelle, morale et spirituelle et d’autre part un engagement humaniste culturel, politique et social, l’un fait le terreau de l’autre.

L’objectif premier du travail maçonnique est bien le développement personnel, l’épanouissement moral de l’être. Son objectif collectif vient en second, car l’élévation des individus est la condition sine qua non du progrès de l’humanité.

 

LE PROCHAIN CAFÉ MAÇONNIQUE SE TIENDRA LE JEUDI 2 MARS À 18 h 30

À L’1TENDANCE BVD DE TRÊVES — METZ

 

 

 




[1] Il y a d’autres rites : citons le Rite Français, le Rite Ecossais Rectifié, le Rite Emulation, le Rite de Memphis Misraïm…..etc. Au sein d’une même obédience maçonnique il peut y avoir plusieurs rites.

[2] Une tradition n'est pas un usage ni une coutume : ne mérite le nom de tradition que ce qui se relie au principe du monde, aux principes qui gouvernent la vie.

Au contraire de l’habitude ou de la coutume, la tradition n’est pas figée, c’est une notion vivante. Il existe malheureusement beaucoup d’adorateurs des cendres de la tradition : emprisonnés dans leurs certitudes ils voudraient que jamais rien ne change.

[3] Au lieu de se fonder sur le principe du tiers exclu (p ou non-p : une ou l’autre de ces 2 propositions est vraie ) conceptuel, le symbolisme suppose au contraire un principe du “tiers inclus”. C'est pourquoi les symboles sont toujours pluridimensionnels.