Et pourquoi pas au "perchoir"?

Et pourquoi pas au "perchoir"?

« La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune » (1) disait hier Olympe de Gouges…alors aujourd’hui pourquoi pas au « perchoir » ? (2)

 « La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » (rédigée en septembre 1791), calquée sur la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen de 1789 affirme l’égalité des droits civils et politiques des deux sexes espérant que soient rendus à la femme les droits naturels que la force des préjugés lui avait retirés.

Elle fut publiée dans une brochure de 24 pages « Les Droits de la femme », adressée à la reineMarie Antoinette (Voir annexe 1) 

Le texte de cette déclaration ne réapparut qu’en 1986 grâce à Benoite Groult ; première déclaration universelle des droits HUMAINS exigés autant pour les femmes que pour les hommes, il mérite d’être lu en entier. (Voir annexe 2)

En voici quelques extraits particulièrement significatifs et visionnaires :

« Article 10 : La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune »

Extraits du post- ambule :

  • « L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne »
  • « Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir »
  • « Je remarque que dans les luttes, les femmes doivent toujours lutter deux fois plus que les hommes ; une fois avec les hommes pour le changement, et la 2° fois pour qu’elles ne soient pas en reste du changement »

Autant de constats d’une troublante actualité.

Ce sujet majeur est au cœur des préoccupations du Droit Humain de France qui, depuis sa fondation au 19° siècle affirme « l’égalité de l’homme et de la femme ».

Ainsi que le disait Maria Deraismes (14 Janvier 1882) « La femme est une force. Moitié de l’humanité, si elle se confond avec l’autre par des caractères généraux et communs, elle s’en distingue par des aptitudes spéciales d’une puissance irrésistible qui forment un apport particulier, essentiel et indispensable à l’évolution intégrale de l’humanité »

(1) Article 10 de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne »

(2) Siège du (de la) Président(e) de l’Assemblée Nationale.

Illustration de l'article tirée de Olympe de Gouges de José-Louis Bocquet et Catel (2012)

ANNEXE 1

Lettre à la Reine Marie Antoinette

Madame,

Peu faite au langage que l’on tient aux Rois, je n’emploierai point l’adulation des Courtisans pour vous faire hommage de cette singulière production. Mon but, Madame, est de vous parler franchement ; je n’ai pas attendu pour m’exprimer ainsi, l’époque de la Liberté : je me suis montrée avec la même énergie dans un temps où l’aveuglement des Despotes punissait une si noble audace.

Lorsque tout l’Empire vous accusait et vous rendait responsable de ses calamités, moi seule, dans un temps de trouble et d’orage, j’ai eu la force de prendre votre défense. Je n’ai jamais pu me persuader qu’une Princesse, élevée au sein des grandeurs, eût tous les vices de la bassesse.

Oui, Madame, lorsque j’ai vu le glaive levé sur vous, j’ai jeté mes observations entre ce glaive et la victime ; mais aujourd’hui que je vois qu’on observe de près la foule de mutins soudoyée, & qu’elle est retenue par la crainte des lois, je vous dirai, Madame, ce que je ne vous aurais pas dit alors.

Si l’étranger porte le fer en Mœurs, vous n’êtes plus à mes yeux cette Reine faussement inculpée, cette Reine intéressante, mais une implacable ennemie des Français. Ah ! Madame, songez que vous êtes mère et épouse ; employez tout votre crédit pour le retour des Princes. Ce crédit, si sagement appliqué, raffermit la couronne du père, la conserve au fils, et vous réconcilie l’amour des Français. Cette digne négociation est le vrai devoir d’une Reine. L’intrigue, la cabale, les projets sanguinaires précipiteraient votre chute, si l’on pouvait vous soupçonner capable de semblables desseins.

Qu’un plus noble emploi, Madame, vous caractérise, excite votre ambition, et fixe vos regards. Il n’appartient qu’à celle que le hasard a élevée à une place éminente, de donner du poids à l’essor des Droits de la Femme, et d’en accélérer les succès. Si vous étiez moins instruite, Madame, je pourrais craindre que vos intérêts particuliers ne l’emportassent sur ceux de votre sexe. Vous aimez la gloire ; songez, Madame, que les plus grands crimes s’immortalisent comme les plus grandes vertus ; mais quelle différence de célébrité dans les fastes de l’histoire ! l’une est sans cesse prise pour exemple, et l’autre est éternellement l’exécration du genre humain.

On ne vous fera jamais un crime de travailler à la restauration des mœurs, à donner à votre sexe toute la consistance dont il est susceptible. Cet ouvrage n’est pas le travail d’un jour, malheureusement pour le nouveau régime. Cette révolution ne s’opérera que quand toutes les femmes seront pénétrées de leur déplorable sort, & des droits qu’elles ont perdus dans la société. Soutenez, Madame, une si belle cause ; défendez ce sexe malheureux, et vous aurez bientôt pour vous une moitié du royaume, et le tiers au moins de l’autre.

Voilà, Madame, voilà par quels exploits vous devez-vous signaler et employer votre crédit. Croyez-moi, Madame, notre vie est bien peu de chose, surtout pour une Reine, quand cette vie n’est pas embellie par l’amour des peuples, et par les charmes éternels de la bienfaisance.

S’il est vrai que des Français arment contre leur patrie toutes les puissances, pourquoi ? pour de frivoles prérogatives, pour des chimères. Croyez, Madame, si j’en juge par ce que je sens, le parti monarchique se détruira de lui-même, qu’il abandonnera tous les tyrans, et tous les cœurs se rallieront autour de la patrie pour la défendre.

Voilà, Madame, voilà quels sont mes principes. En vous parlant de ma patrie, je perds de vue le but de cette dédicace. C’est ainsi que tout bon citoyen sacrifie sa gloire, ses intérêts, quand il n’a pour objet que ceux de son pays.

Je suis avec le plus profond respect,
Madame,
Votre très-humble et très-obéissante servante,
De Gouges.

ANNEXE 2

DECLARATION DES DROITS DE LA FEMME ET DE LA CITOYENNE

A décréter par l'Assemblée nationale dans ses dernières séances ou dans celle de la prochaine législature.

PREAMBULE 

Les mères, les filles, les surs, représentantes de la nation, demandent d'être constituées en Assemblée nationale. 

Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes murs, et au bonheur de tous.

En conséquence, le sexe supérieur, en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.

Art. premier.
La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Art.2
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l'oppression.

Art.3 
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n'est que la réunion de la Femme et de l'Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Art.4
La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

Art.5
Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société ; tout ce qui n'est pas défendu pas ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elles n'ordonnent pas.

Art.6
La loi doit être l'expression de la volonté générale ; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

Art.7
Nulle femme n'est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la loi : les femmes obéissent comme les hommes à cette loi rigoureuse.

Art.8
La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.

Art.9
Toute femme étant déclarée coupable ; toute rigueur est exercée par la Loi.

Art.10
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi.

Art.11
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d'un enfant qui vous appartient, sans qu'un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité ; sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Art.12
La garantie des droits de la femme et de la Citoyenne nécessite une utilité majeure ; cette garantie doit être instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de celles à qui elle est confiée.

Art.13
Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, les contributions de la femme et de l'homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l'industrie.

Art.14
Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l'admission d'un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l'administration publique, et de déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée de l'impôt.

Art.15
La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration.

Art.16
Toute société, dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution ; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n'a pas coopéré à sa rédaction.

Art.17
Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés : elles ont pour chacun un droit lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

POSTAMBULE 

Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? Quels sont les avantages que vous recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption, vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste t-il donc ? La conviction des injustices de l'homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu'auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du Législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n'est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous à répondre. S'ils s'obstinent, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l'énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l'Être Suprême. Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n'avez qu'à le vouloir. Passons maintenant à l'effroyable tableau de ce que vous avez été dans la société ; et puisqu'il est question, en ce moment, d'une éducation nationale, voyons si nos sages Législateurs penseront sainement sur l'éducation des femmes.

Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation ont été leur partage. Ce que la force leur avait ravi, la ruse leur a rendu ; elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis ; elles commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l'administration nocturne des femmes ; le cabinet n'avait point de secret pour leur indiscrétion ; ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat ; enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l'ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé. »