Maria Deraismes : Je te salue Maria ...

Maria Deraismes : Je te salue Maria ...

Franc-maçonnerie : les femmes aussi !?! Tel sera le thème de notre prochain café maçonnique le 1er Mars 2018 à 18h30 au bar « L’1tendance » 14 Boulevard de Trèves à Metz. 
Pour préparer cette rencontre, il nous a semblé intéressant de vous présenter Marie Adélaïde Deraismes dite « MARIA DERAISMES » (17 août 1828 - 6 février 1894).

Une femme de lettres engagée qui, sa vie durant, par ses discours et ses nombreux écrits a sans cesse défendu les droits de la femme, de l’enfant et revendiqué l’égalité entre hommes et femmes. Elle fut, avec Georges Martin, la fondatrice de la Franc-Maçonnerie mixte historique : Le Droit Humain 
Note du Comité de lecture

 

Je te salue Maria

Connaître ses racines est vital pour la construction de chaque être humain. Moi Franc-Maçon, un besoin essentiel de connaître les origines de notre obédience m’est nécessaire pour me construire comme tel.

Mon pas de côté me dirige tout naturellement aux prémices d’un grand voyage. Le 4 avril 1893, est fondée et constituée en Juridiction Universelle à l’Orient de Paris la « Grande Loge Symbolique Ecossaise de France Le Droit Humain, ouverte à tous sans aucune distinction de sexe, de religion, de race ou de nationalité ».

Je referme quelques ouvrages sur la vie de Maria Deraismes et la naissance du Droit Humain. Ma curiosité féminine me renvoie à notre cher Larousse, mais je n’y lis pas le nom de Maria Deraismes entre l’orateur Démosthène et le philosophe René Descartes. Deux hommes illustres et pourtant entre eux deux, Maria y aurait eu sa juste place. Quelle déception, quelle injustice !!!

Marie Adélaïde Deraismes naît le 17 août 1828 au sein d’une famille bourgeoise parisienne, libérale et républicaine. Quelle chance !!!

 Comme le disait Coluche « Les hommes naissent libres et égaux en droits. C’est après la naissance que ça se gâte ». Pour Maria, cette chance est inespérée à l’époque où les femmes ne comptent pas. Son père François Deraismes est un travailleur acharné, riche et cultivé. Il transmet à sa fille sa passion pour la philosophie, la politique et l’art.

Dès sa plus jeune enfance, Maria Deraismes s’enthousiasmera par l’art oratoire et l’écriture. Elle composera des pamphlets et des pièces de théâtre pour le public bourgeois de quelques salons privés. Elle écrira une série de pièces sous le nom de « Théâtre Chez Soi », dont l’une d’elles fut interprétée durant une saison culturelle à Baden. Dans le journal « L’Avenir des Femmes » elle marquera son étonnement face à l’affirmation de quelques hommes prétendant qu’une honnête femme ne pouvait mettre le pied dans une salle de spectacle sans rougir. Sa réponse sera sans appel : « Comment le théâtre surprendrait-il la femme honnête ? Elle en voit bien d’autres tous les jours ! ».

Toujours assistée par sa très fidèle sœur Anne, Maria Deraismes lutte sur tous les fronts. Ses conférences de 1866 à 1870 enrichies par ses talents d’oratrice remportent un franc succès. Elle s’emploiera durant sa vie à la libre pensée. Ses armes seront ses mots, elle traitera nombre de sujets comme la défense des droits de l’enfant, des droits des femmes, de l’égalité entre hommes et femmes, de la morale, de l’histoire et de la littérature.

 Maria Deraismes est une féministe engagée. Célibataire par choix, elle ne cessera de revendiquer les droits de la femme et son émancipation. Elle luttera aux côtés de Louise Michel contre la femme esclave devant son mari, humiliée devant ses enfants. Elle proclamera sa révolte devant cette injustice et demandera également l’intégrité des droits de la femme en politique, en droits civils, mais aussi leur reconnaissance au droit du travail. En été 1878, elle présidera le premier Congrès international du Droit des femmes qui réunit 11 pays et 16 organisations. Elle écrira à l’encontre des propos misogynes d’Alexandre Dumas fils : « Il a dit cela comme il aurait dit autre chose ; il ne faut pas lui en vouloir, il ne s’entend pas bien lui-même ».

Son combat se poursuit pour faire reconnaître les droits de l’enfant sous l’oppression de la puissance paternelle et contre l’exploitation de ces trop nombreuses petites mains sacrifiées. Elle publiera dans « France et Progrès » des articles sur l’instruction et l’éducation. Son interrogation ? : « Concevez-vous qu’il y ait quelque part des droits de l’homme sans qu’il y ait des droits de l’enfant ? Mais l’enfant… C’est le début de l’homme ! »

 Ni mariée ni mère, elle saura pourtant trouver l’énergie et les mots pour préparer une réforme à la défense des droits de l’enfant.

Napoléon Bonaparte demandait à Mme de Staël : « Depuis quand les femmes s’occupent-elles de politique ? »…. « Depuis qu’on les guillotine » répondit-elle. Je ne sais pas si Maria Deraismes a approuvé cette réponse, mais je me plais à le croire. Elle est une idéaliste qui se veut progressiste et démocrate. Elle veut l’égalité pour tous : hommes et femmes, dans leur devoir citoyen. Elle interpelle les hommes au pouvoir pour améliorer le niveau de vie de la population et résoudre les injustices. Elle prône la solidarité qu’elle nommera « loi de Dieu ». Elle écrira : « Mes adversaires politiques sont si forts et si malins, qu’en croyant m’accabler, ils me glorifient ».

 Maria Deraismes, femme de lettres sera tour à tour rédactrice et directrice de publications journalistiques. A la fin du XIXe siècle, aux commandes du « Républicain de Seine et Oise », diffusé sur l’Ile-de-France, elle exprimera clairement sa volonté de propager divers sujets de société pour toutes et tous : la politique locale, les élections municipales, le statut des prêtres …. Au total, tout ce qui doit être en accord avec les valeurs républicaines.

Jeune fille, Maria Deraismes fut une ardente catholique selon les usages de l’époque : comme elle le dira « elle a subi la loi ». Elle s’en éloignera à force de travail sur elle-même, parce que ses fondements républicains ne sonnent pas avec certaines de ses cloches. Pourquoi ? Parce que la religion catholique prône l’infériorité de la femme dans ses droits et proclame la supériorité de l’homme.

La fortune familiale contribuera à l’indépendance financière, de Maria et Anne Deraismes ; leurs riches ressources prendront part à la défense des plus faibles et des oubliés.

En 1875, Maria Deraismes se joint à la Libre-Pensée tout comme Victor Hugo, Émile Zola, Jean Jaurès et bien d’autres… Fondatrice de la Société des libres-penseurs de Pontoise, anticléricale, antireligieuse, antimilitariste et opposée à l’oppression sociale, elle défend des réformes inédites : les religions ne doivent plus intervenir dans la vie politique et la séparation des Églises et de l’État est souhaitée. Trois règles renforcent la pensée libre : le vrai par la science, le bien par la morale, le beau par l’art. En femme libre, Maria Deraismes est la voix de la « libre pensée », mais également de la libre expression de cette pensée au travers de ses nombreux discours.  

Certes il y eut quelques femmes initiées en Franc-maçonnerie avant Maria Deraismes, qu’il s’agisse du hasard des circonstances ou des loges d’adoption. Mais jamais elles ne l’avaient été à égalité de droits, de devoirs et de responsabilités avec les hommes.

Léon Richer Président de la loge « Mars et les Arts » s’impliquera dans l’initiation réelle des femmes en Franc-Maçonnerie. A sa demande, Maria Deraismes participera et dissertera lors d’une conférence au Grand Orient de France sur le thème de la Morale.

Le 13 août 1880, la loge numéro 13, « Les Libres Penseurs » naîtra au Pecq, avec la ferme intention d’initier des femmes. Maria Deraismes y sera officiellement initiée le 14 janvier 1882 aux mêmes titres qu’un homme et pourra dire : « la porte qui s’est entrouverte ne se refermera pas sur moi et toute une légion me suivra ».

Le Docteur Georges Martin félicitera les frères de la RL loge « Les Libres Penseurs » du Pecq de la Grande Loge Symbolique Ecossaise et continuera à œuvrer pour la naissance d’une Franc-Maçonnerie mixte.

Mark Twain disait «  Ils ne savaient pas que c’était impossible alors, ils l’ont fait ».

Ainsi, le 4 avril 1893 est installée la première loge mixte La Grande Loge Symbolique Ecossaise de France le Droit Humain avec pour Président notre sœur Maria Deraismes. Très malade Maria ne put participer qu’à une seule tenue (réunion).

Elle s’éteindra le 06 février 1894. Ses « derniers mots » marqueront nos esprits : «  Je vous laisse le Temple inachevé ; poursuivez, entre ses colonnes, le Droit de l’Humanité »

« Tout vient à point à qui sait attendre », en 1901 l’Ordre Maçonnique Mixte International le Droit Humain sera constitué.

Alors oui, je te salue Maria, toi qui des mois durant m’a accompagnée tout au long de ce voyage historique. J’ai tenté de mettre mes pas encore hésitants dans les tiens. L’exercice n’était simple, mais la totale confiance qui me liait à mon fidèle bâton me permettait de prendre appui sur lui. Et puis, nous savons bien toi et moi que simplicité ne rime pas avec travail.

Je te salue Maria parce que tu ne t’es pas servie d’une cause pour t’enrichir et que ta richesse a servi des causes.

Je te salue Maria, car j’ai vu en toi une étoile à 5 branches (liberté, égalité, fraternité, persévérance et humilité) avec en son centre le G de Georges (Martin) qui me rappelle que des hommes de progrès ont participé à ce combat.

Je te salue Maria pour me souffler de ne pas céder à ce féminisme qui n’est pas le tien, car trop violent et qui ne fait qu’attiser la discorde sans trouver de solution. Des hommes t’ont aidé et soutenu dans ta quête de justice et la défense des droits de ceux que l’on faisait taire, des hommes t’ont ouvert les portes du Temple où hommes et femmes ne faisant qu’un, ont réussi à donner naissance au Droit Humain.

 Je te salue Maria parce qu’au travers de ta vie laborieuse, j’ai entre-aperçu mes outils :

  • Le maillet et le ciseau pour affiner mes pensées
  • L’équerre et le compas pour le discernement dans mes jugements
  • La règle graduée et le levier pour ma juste force d’action sans violence
  • Le fil à plomb et le niveau pour la stabilité dans mon travail
  • Enfin, les mains libres, je serai apte de choisir les bons outils selon mes devoirs à accomplir.

Par ton courage, ta détermination, ton intelligence qui nous permettent aujourd’hui de travailler ensemble, en cela nous te saluons Maria.

 I.D