Trois femmes parmi tant d'autres: 4e Partie-Olympe de Gouges

Trois femmes parmi tant d'autres: 4e Partie-Olympe de Gouges

« Trois femmes parmi tant d’autres » 4°partie

Je tenais à évoquer Christine de Pisan ce précurseur,

Je voulais attirer votre attention sur l’engagement peu connu de Marguerite de Valois,

Mais je ne saurais oublier Marie Gouze[1]dont le parcours, bien que nécessairement différent, a bien des similitudes avec celui de Marguerite.

L’une et l’autre belles et cultivées…

L’une et l’autre vilipendées, montrées du doigt…

L’une et l’autre méritant une place de choix dans notre histoire, dans celle des idées, dans celle des libertés.

L’une et l’autre dont il nous faut analyser le courage en nous replongeant dans les mœurs de leurs époques respectives.

Femme de lettres, auteur de théâtre engagée, Olympe écrivit une vingtaine de pièces jouées tant à PARIS qu’en Province pendant la révolution ; c’est « L’esclavage des noirs » qui la rendit célèbre et qui fut inscrite au répertoire de la Comédie Française le 30 juin 1785 sous le titre de « Zamore et Mirza ou l’heureux naufrage »

Elle fut une des premières abolitionnistes, membre du « club des amis des noirs » notamment aux côtés de l’Abbé Grégoire.

On lui doit une soixantaine de pamphlets révolutionnaires[2]sous forme de brochures, placards et articles.

Elle demanda l’instauration du divorce, la suppression du mariage religieux, s’indigna du sort réservé aux femmes en couches, recommanda la création d’ateliers nationaux pour les chômeurs et de foyers pour les mendiants…… Elle souhaitait que les femmes soient associées aux débats politiques et sociaux.

Elle obtint la participation des femmes à une cérémonie de caractère national, « La Fête de la Loi » le 3 Juin 1792 puis à la commémoration de la prise de la Bastille le 14 Juillet de la même année.

 « La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » (annexe 6) qu’elle rédigea en 1791, calquée sur la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen de 1789 affirme l’égalité des droits civils et politiques des deux sexes espérant que soient rendus à la femme les droits naturels que la force des préjugés lui avait retirés.

Ce texte ne réapparut qu’en 1986 grâce à Benoite Groult ; 1° déclaration universelle des droits HUMAINS exigés autant pour les femmes que pour les hommes, il mérite d’être lu en entier.

En voici quelques extraits particulièrement significatifs et visionnaires :

« Article 10 : La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune »

Post- ambule :

  1. « L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne »
  2. « Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir »
  3. « Je remarque que dans les luttes, les femmes doivent toujours lutter deux fois plus que les hommes ; une fois avec les hommes pour le changement, et la 2° fois pour qu’elles ne soient pas en reste du changement »

………..autant de constats d’une troublante actualité si l’on veut bien se souvenir de l’implication des femmes lors du « printemps arabe » et de la répression qu’elles ont subi lorsque vint le moment de demander leurs droits.

Quant à Olympe……….

Longtemps monarchiste constitutionnelle…

Son style direct, parfois maladroit mais toujours percutant, son franc parler, son engagement indéfectible lui valurent la réprobation des femmes (« Les femmes n’ont jamais eu de plus grands ennemis qu’elles-mêmes. Rarement on vit les femmes applaudir à une belle action, à l’ouvrage d’une femme »)et des hommes qui contestaient sa vision de la femme combattante.

S’étant violemment opposée à ceux – dont Marat - qu’elle tenait pour responsable des atrocités des 2 et 3 septembre 1792 : « le sang, même des coupables, versé avec cruauté et profusion souille éternellement les révolutions »

Lançant une diatribe contre Robespierre : « Tu te dis l’unique auteur de la Révolution, tu n’en fus, tu n’en es, tu n’en seras éternellement que l’opprobre et l’exécration »….  « Tu voudrais te frayer un chemin sur des monceaux de morts et monter par les échelons du meurtre et de l’assassinat au rang suprême ! Grossier et vil conspirateur. »……..

Ayant proposé d’aider Malesherbes à assurer la défense du Roi devant la Convention……….

Dénonçant la montée en puissance de la dictature montagnarde…

Arrêtée par les Montagnards pour avoir tenté de rétablir un gouvernement autre que « un et indivisible »…

Elle fut déférée le 6 Août 1793 devant le Tribunal Révolutionnaire, condamnée et guillotinée le 3 Novembre 1793 : « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort » furent ses derniers mots.

Son « éloge funèbre », par le procureur de Paris Pierre- Gaspard Chaumette évoque « cette virago, la femme-homme, l’impudente Olympe de Gouges qui la première institua des sociétés de femmes, abandonna les soins de son ménage, voulut politiquer et commit des crimes [….] Tous ces êtres immoraux ont été anéantis sous le fer vengeur des lois. Vous voudriez les imiter ? Non ! Vous sentirez que vous ne serez vraiment intéressantes et dignes d’estime que lorsque vous serez ce que la nature a voulu que vous fussiez. Nous voulons que les femmes soient respectées, c’est pourquoi nous les forcerons à se respecter elles-mêmes »

Plus près de nous la Commune de Paris marquera l’arrivée massive des femmes dans l’arène politique et le combat révolutionnaire. (annexe 7 )

(Fin de la 4° Partie : à suivre)

 

ANNEXE 6

DECLARATION DES DROITS DE LA FEMME ET DE LA CITOYENNE

A décréter par l'Assemblée nationale dans ses dernières séances ou dans celle de la prochaine législature.

PREAMBULE 

Les mères, les filles, les surs, représentantes de la nation, demandent d'être constituées en Assemblée nationale. 

Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes murs, et au bonheur de tous.

En conséquence, le sexe supérieur, en beauté comme en courage, dans les souffrances  maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.

Art.premier.
La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Art.2
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l'oppression.

Art.3 
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n'est que la réunion de la Femme et de l'Homme: nul corps, nul individu, ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Art.4
La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui; ainsi l'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

Art.5
Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société; tout ce qui n'est pas défendu pas ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elles n'ordonnent pas.

Art.6
La loi doit être l'expression de la volonté générale; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation; elle doit être la même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

Art.7
Nulle femme n'est exceptée; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la loi: les femmes obéissent comme les hommes à cette loi rigoureuse.

Art.8
La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.

Art.9
Toute femme étant déclarée coupable; toute rigueur est exercée par la Loi.

Art.10
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur l'échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi.

Art.11
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d'un enfant qui vous appartient, sans qu'un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité ; sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Art.12
La garantie des droits de la femme et de la Citoyenne nécessite une utilité majeure; cette garantie doit être instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de celles à qui elle est confiée.

Art.13
Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, les contributions de la femme et de l'homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l'industrie.

Art.14
Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l'admission d'un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l'administration publique, et de déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée de l'impôt.

Art.15
La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration.

Art.16
Toute société, dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n'a pas coopéré à sa rédaction.

Art.17
Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés: elles ont pour chacun un droit lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

POSTAMBULE 

Femme, réveille-toi; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? Quels sont les avantages que vous recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc? La conviction des injustices de l'homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu'auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise? Le bon mot du Législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n'est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous à répondre. S'ils s'obstinent, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie; déployez toute l'énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l'Etre Suprême. Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n'avez qu'à le vouloir. Passons maintenant à l'effroyable tableau de ce que vous avez été dans la société ; et puisqu'il est question, en ce moment, d'une éducation nationale, voyons si nos sages Législateurs penseront sainement sur l'éducation des femmes.

Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation ont été leur partage. Ce que la force leur avait ravi, la ruse leur a rendu ; elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis ; elles commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l'administration nocturne des femmes ; le cabinet n'avait point de secret pour leur indiscrétion; ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat; enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l'ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé.

Elle eût droit à cet éloge funèbre, le lendemain de son exécution, signé par Chaumette, Procureur de la Commune de Paris, dans Le Moniteur : " Rappelez-vous l'impudente Olympe de Gouges qui la première institua des sociétés de femmes et abandonna les soins du ménage pour se mêler de la République et dont la tête est tombée sous le fer vengeur des lois… »

ANNEXE 7

Jules Vallès : 

(Lors de l'enterrement de Victor Noir Janvier 1870) 

    « Des femmes partout. Grand signe. Quand les Femmes s'en mêlent, quand la ménagère pousse son homme, quand elle arrache le drapeau noir qui flotte sur la marmite pour le planter entre deux pavés, c'est que le soleil se lèvera sur une ville en révolte... »

 

[1]voir site Georges Troispoints - Publication du 3 Novembre 2016

[2]Voir en bibliographie (6° partie) l’ouvrage d’Olivier Blanc